"Je suis à toi" : un poème de Gaza à Israël par Refaat Alareer
Deux étapes : une, deux.
Regarde dans le miroir :
L’horreur, l’horreur !
La crosse de ton M-16 sur ma pommette
La tache jaune qu’il a laissée
La cicatrice en forme de balle s’agrandit
Comme une croix gammée,
Serpentant sur mon visage,
Le chagrin s’écoule
De mes yeux dégouline
De mes narines percées
Mes oreilles inondent
L’endroit.
Comme ça t’a fait
il y a 70 ans
Environ.
Je suis juste toi.
Je suis ton passé obsédant
Votre présent et votre avenir.
Je m’efforce comme vous l’avez fait.
Je me bats comme toi.
Je résiste comme tu as résisté
Et pendant un instant,
Je prends ta ténacité
Comme modèle,
Tu ne tenais pas
Le canon du pistolet
Entre mes yeux
Sanglants.
Un. Deux.
Le même pistolet
La même balle
Qui avait tué ta mère
Qui a tué ton père
Est en train d’être utilisé,
Contre moi,
Par toi.
Marquez cette balle et marquez-la dans votre arme
Si vous la sentez, elle contient votre sang et le mien.
Elle a mon présent et votre passé.
Elle a mon présent,
Elle a votre avenir.
C’est pourquoi nous sommes jumeaux,
Même parcours de vie
Même arme
Même souffrance
Mêmes expressions dessinées
Sur le visage du tueur,
Tout est pareil
Sauf que dans ton cas
La victime a régressé devenant
L’agresseur.
Je vous le dis.
Je suis toi.
Sauf que je ne suis pas le toi de maintenant.
Je ne vous hais pas.
Je veux t’aider à arrêter de haïr
Et de me tuer.
Je vous le dis :
Le bruit de ta mitrailleuse
Vous rend sourd
L’odeur de la poudre
Domine celle de mon sang.
Les étincelles défigurent
Les expressions de mon visage.
Voudriez-vous arrêter de tirer ?
Pour un moment ?
Voudriez-vous ?
Tout ce que vous avez à faire
Est de fermer les yeux
(Regarder ces jours
Aveugle nos cœurs.)
Fermez bien les yeux
Pour que vous puissiez voir
Dans votre esprit.
Puis, regardez-vous dans le miroir.
Un. Deux.
Je suis vous.
Je suis ton passé.
Et en me tuant,
Vous vous tuez
(Traduction Sasha Verlei)
Image de Freepik (https://www.freepik.com/)
Refaat Alareer, Gazaoui, né le 23 septembre 1979 était un écrivain palestinien poète, professeur de littérature anglaise à l’université islamique de Gaza. Il a été tué, avec toute sa famille, la nuit du 7 décembre au 8 décembre dans une frappe israélienne, comme des milliers d’autres palestiniens.
Son dernier poème publié sur X "If I must die" (« Si je devais mourir ») finit ainsi : « Que cela apporte de l’espoir, que cela soit un conte. »
Refaat Alareer était l’un des initiateurs du projet « We are not numbers » (« Nous ne sommes pas des chiffres »), un projet lancé à Gaza après l’agression israélienne de 2014, qui avait pour but d’encadrer et d’aider de jeunes écrivain.e.s à transmettre au monde leurs histoires et récits. Il avait édité le livre Gaza writes back (2014), chroniques de la vie à Gaza écrites par de jeunes auteurs palestiniens et avait publié Gaza unsilenced (2015).
Refaat Alareer refusait de quitter le nord de la bande de Gaza, expliquant qu’il n’y avait de toute façon aucune issue possible.
(In Altermidi, 8 décembre 2023)
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