Gaza. Et maintenant que fait le cinéma ?
Cahiers du cinéma, N°825, novembre 2025
En kiosques le 5 novembre
Presque deux ans après le n° 805, dans lequel nous nous interrogions sur ce que le cinéma peut face à la guerre à Gaza, les Cahiers actualisent la question : et maintenant, que peut le cinéma ? Fictions et documentaires y sont analysés par des critiques mais aussi des cinéastes et des plumes extérieures, de Déborah V. Brosteaux, chercheuse en philosophie, à l’anthropologue Catherine Hass, qui mettent en perspective les images qui nous parviennent, les enquêtes menées par le collectif Forensic Architecture ou encore le travail de found footage orchestré par le cinéaste Mohanad Yaqubi.
Sommaire du dossier :
- Gaza – Et maintenant que fait le cinéma ?
- Qu’as-tu vu de Gaza ? par Élie Raufaste
- D’entre les ruines. Entretien avec Déborah V. Brosteaux
- All Eyes on Gaza par Circé Faure
- Boycotter, programmer par Romain Lefebvre
- Notes sur « nous » et la Palestine par Catherine Hass
- « La Voix de Hind Rajab » de Kaouther Ben Hania
- Forensic Architecture – Sous la surface des images par Alice Leroy
- L’archive au combat. Entretien avec Mohanad Yaqubi
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Edito
Loin de la Palestine par Marcos Uzal
Dans notre numéro de janvier 2024 (no 805), quelques mois après les terribles attentats du 7-Octobre et devant l’ampleur que prenait le massacre perpétré par l’armée israélienne à Gaza, nous consacrions un dossier à ce que pouvait faire le cinéma face à une telle catastrophe. Nous allions chercher des forces dans des films du passé, mais Avi Mograbi, qui quittait alors Israël pour le Portugal, ne croyait plus en la moindre nécessité du cinéma, tandis qu’Elias Sanbar ne pensait pas que les réseaux sociaux puissent véhiculer de véritables images de ce qui se passait à Gaza.
Presque deux ans plus tard, beaucoup de films nous sont parvenus et nous avons vu quel rôle ont joué les réseaux sociaux. Cela ne nous amène pas pour autant à croire que les images peuvent modifier le cours de l’histoire. Comme disait Gilles Deleuze, à qui nous consacrons ce mois-ci un ensemble, la contre-information n’a jamais rien changé, mais elle « n’est effective que quand elle devient un acte de résistance ». Et il y a, ajoutait-il, « une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance ». En Palestine, l’art majeur est la poésie, notamment à travers cette figure centrale de la culture palestinienne qu’est Mahmoud Darwich ; peut-être parce que c’est l’art qui peut s’élever le plus haut avec presque rien, celui que l’on peut faire tenir dans une poche, un ourlet, une chaussure.
Deleuze ne veut pas dire que l’art sert à ceux qui combattent avec les armes ou à ceux qui subissent l’horreur, mais que c’est sa nature de résister, en étant l’exception de la culture (pour paraphraser Godard), en s’opposant par son existence même à l’anéantissement, à l’aveuglement, à la mort, au rien. Ou, plus concrètement, à la bêtise, la désinformation et l’acculturation véhiculées par ce que sont devenues les chaînes d’information. Avant tout, je dirais tout bonnement que nous nous réjouissons que tant de films existent (qu’ils soient de fiction ou documentaires, produits ou arrachés clandestinement). Quoi que l’on en pense, ils nous montrent quelque chose, ne serait-ce que, dans les pires des cas, la difficulté à voir. C’est pourquoi cet ensemble est parcouru plus ou moins explicitement par un questionnement : depuis où regardons-nous ces films, depuis quelle attente, quelle nécessité ? Il ne faut pas oublier ce point afin que la façon dont nous en parlons ne soit pas d’abord une manière de parler de nous et de notre besoin d’être rassurés, jusqu’à remplacer le politique par le pathos (et cela ne vaut pas que pour le cinéma, bien sûr). Quand j’entends une critique affirmer à la radio qu’à travers Fatima Hassouna, Put Your Soul on Your Hand and Walk de Sepideh Farsi donne à voir « le visage que l’on n’a jamais vu de Gaza », je vois bien ce qu’elle veut dire, mais une telle phrase montre aussi combien nous sommes bien loin de la Palestine pour avoir un tel besoin de mettre un visage sur ce peuple, sa douleur et son combat. Et de préférence un beau visage, jeune et lumineux. Entre le moment où nous avons décidé de consacrer un nouvel ensemble au rôle que joue, jouera, pourrait jouer le cinéma face à cette guerre génocidaire, et la conception du numéro, un cessez-le-feu est entré en vigueur le 13 octobre. On ne peut qu’en être heureux, mais cela ne change rien à la nécessité de voir ces films et d’en faire d’autres. Cette situation meurtrière n’a pas commencé le 7 octobre 2023 et elle ne semble pas près de s’arrêter. Puissent les films nous servir au moins à ne pas détourner le regard en pensant que le pire est passé.
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