MORCEAUX

Les olives elles tombent sur le tissu et c’est moi qui le tient le tissu autour de l’arbre et mon père il secoue les branches il les tape avec un grand bâton et les olives elles tombent partout ça fait comme la pluie mais avec des grosses gouttes vertes et noires qui rebondissent partout j’en reçois plein sur la tête alors je rigole en mettant mes mains comme ça sur ma tête et mon père il rigole aussi en tapant dans les branches et il crie attention attention c’est la grêle la grêle va tout écrabouiller rentrez vite dans les maisons parce que mon père il fait tout le temps des blagues et moi des fois je ramasse une olive et je la lance sur mon père et il dit non pitié pitié et moi je rigole de le regarder comme ça qui fait le clown et quand il reçoit une olive par exemple dans le cœur il pose sa main sur son cœur et il pousse un cri il tombe à genoux et il dit ah je suis mort en regardant vers le ciel et hop il est mort il tombe encore complètement par terre et il bouge plus il respire plus il est mort mais moi je sais bien qu’il fait semblant alors je rigole papa c’est pas vrai t’es même pas mort mais il bouge pas du tout allongé dans les olives avec les traces du soleil sur sa figure qui passe entre les feuilles de l’arbre alors moi je dis encore papa t’es même pas mort mais il bouge pas du tout on dirait qu’il est vraiment mort et après je m’approche de lui je le secoue très fort en criant et je saute sur lui et je tire ses habits et sa barbe et ses cheveux mais il bouge plus alors je crie mais il bouge plus du tout je le secoue encore plus fort en criant t’es pas mort t’es pas mort mais il bouge pas du tout alors je commence à vouloir qu’il est vraiment pas mort et j’aime pas trop quand il le fait trop longtemps parce que y a personne dans le champ où des oliviers il y en a plein peut-être cent ou mille et la maison est loin il faut y aller avec le camion c’est un camion avec trois places devant et derrière on met les sacs d’olives on peut mettre beaucoup de sacs alors je serai toute seule et je ferai quoi si mon père il est mort vraiment je pourrais pas aller toute seule à la maison laisser mon père sous l’arbre et conduire le camion ou appeler ma mère elle m’entendra pas parce que la maison est trop loin et ma sœur non plus et mon frère est parti faire le jus de raisin ou récolter les pastèques je sais plus trop alors qu’est-ce que je peux faire toute seule si mon père il est vraiment mort je peux courir vers la maison pour prévenir ma mère mais c’est trop loin alors je le secoue très fort en disant je veux pas que tu es mort papa je veux pas que tu es mort et tout d’un coup il se redresse en faisant un gros cri comme si il allait me manger mais il me fait des bisous partout sur les joues les cheveux et dans le cou en me faisant des guilis alors là je me tortille de partout en rigolant parce que les guilis papa sait très bien les faire ça me fait comme des fourmis partout et mon père dit bon allez il faut ramasser les olives maintenant et replier le tissu et remplir le sac et aller autour de l’arbre d’à côté et refaire tomber les olives pour les mettre dans un sac alors on arrête de rigoler même si moi je continue un peu et je lance encore une olive sur mon père mais il me dit qu’on va être en retard si on fait que jouer y a beaucoup de travail on peut pas toujours jouer alors je ramasse les olives très vite et je mets plein d’olives dans un sac et ensuite on replie le tissu pour faire un gros tas et on fait une sorte de toboggan d’olives pour qu’elles tombent bien dans le sac et c’est moi qui tiens le sac bien ouvert et c’est mon père qui soulève le gros tas avec le tissu mon père a des mains très grandes il peut tout porter avec un seul bras et il y a des gouttes qui coulent sur son front et qui pendent au bout de son nez et il souffle en soulevant les gros tas en tapant sur les branches avec son bâton en pliant le tissu en refermant les sacs avec la ficelle en portant les sacs sur son dos dans le camion en les rangeant bien comme il faut derrière le camion les uns à côté des autres et moi j’essaie de porter un sac mais j’arrive pas il bouge même pas le sac et mon père il prend un sac très lourd il le met sur son épaule il saute dans le camion et il pose le sac bien au fond et ainsi de suite jusqu’à les sacs sont bien calés comme ça et mon père il dit bien calés comme ça en tapant sur le sac avec sa grande main et hop il saute par terre et va chercher un autre sac il est jamais fatigué sauf le soir à la maison quand tout le travail est terminé il s’allonge sur le tapis et des fois il s’endort alors moi je monte dans le camion devant sur le siège à côté de mon père quand tout est fini il fait chaud dans le camion mais pas trop parce que le soleil est presque parti et on s’en va il conduit très bien mon père mais il y a plein de cailloux et des trous dans la route alors il roule pas trop vite surtout pour monter la colline et redescendre de l’autre côté vers la maison et le camion on dirait qu’il se dandine sur la route c’est mon père qui a dit se dandine parce que je savais pas ce mot donc le camion se dandine dans les cailloux dans les trous du chemin et quand on arrive en haut de la colline […]

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