L'œuvre "Gaze"
de l'artiste Hazem HARB, originaire de Gaza, explore la résistance et l'identité
A Dubaï, la dernière exposition de l'artiste Hazem HARB, né à Gaza, documente la mémoire palestinienne et l’autorise à revendiquer « la responsabilité d’être une voix pour mon peuple ».
Par Rebecca Anne PROCTOR, Arab News, 26 janvier 2024
"Moi, ma famille et ma ville vivons un génocide en ce moment", dit à Arab News l'artiste Hazem Harb, né à Gaza et résident à Dubaï. "En tant qu'artiste, j'ai le sentiment d'avoir la responsabilité d'être une voix pour mon peuple. L'art est le seul moyen dont je dispose pour m'exprimer et exprimer les émotions de mon peuple en cette période. C'est aussi un moyen de contribuer à la narration de son histoire".
C'est ce que Hazem Harb a fait tout au long de sa carrière, comme en témoigne sa dernière exposition, "Gaze", qui se tient jusqu'au 15 février au Tabari Artspace de Dubaï.
Dans "L'esprit de l'esprit", deux corps dessinés au fusain s'étreignent comme si c’était la dernière fois. La tête de l'homme est inclinée comme pour protéger la femme qu'il tient dans ses bras. Elle regarde vers l'extérieur, le visage reflétant la souffrance et la détresse, les cheveux hérissés comme soulevés par le vent.
Hazem Harb, "L'esprit de l'esprit"
Ce dessin fait partie de la série "Dystopia is Not a Noun" (La dystopie n'est pas qu’un mot) réalisée à la suite du déclenchement, en octobre 2023, de la guerre entre l'armée israélienne et le Hamas qui a encore aggravé la catastrophe humanitaire dans la ville natale de Hazem Harb. La série présente également en grand format des corps convulsés en proie à d’intenses souffrances et dans une extrême confusion.
L'exposition "Gaze", organisée par Munira Al-Sayegh, fait partie de la programmation marquant le 20e anniversaire de la galerie. Elle présente un ensemble d'œuvres de Hazem Harb, dynamiques, pertinentes et profondément émouvantes, couvrant une vingtaine d'années de création, du début de sa carrière artistique en Palestine à la série "Dystopia is Not a Noun" créée au cours des deux dernières années. en passant par son année de résidence d’études d’art à Rome,
Le lien le plus évident entre les différentes périodes du travail de Hazem Harb est l'importance qu'il accorde au corps en tant que paysage à travers lequel on peut explorer l'histoire de la Palestine, l'identité collective et individuelle, la préservation de la mémoire qui est soumise à un effacement systématique.
Hazem Harb explique que lorsqu'ils ont décidé de monter cette exposition avec la fondatrice de la galerie, Maliha Tabari, également d'origine palestinienne, ils ont exploré les relations du corps à l’espace géographique et à la terre.
Un grand nombre des œuvres les plus anciennes de l'exposition - pour la plupart des œuvres abstraites - ont été récupérées par Hazem Harb à Gaza l'été dernier, elles ont échappé au déluge des frappes israéliennes de cet hiver.
"Ma dernière visite à Gaza a été très riche tout en étant empreinte de contrastes", se souvient Hazem Harb. "J'ai profité de chaque instant au maximum. J'ai vu de la beauté partout. Et j'ai eu le sentiment qu'il fallait absolument que je rapporte mon travail avec moi. Les œuvres les plus anciennes sont fascinantes à regarder - elles semblent exister dans un univers hors de toute contrainte de style".
Dans ses œuvres plus récentes, comme les dessins au fusain de la série "Dystopia", Hazem Harb revient une fois de plus à un style qui échappe aux contraintes. La technique gestuelle appliquée à ses dernières œuvres contraste avec les saisissants photo-montages et les Techniques mixtes de ses installations, les premiers travaux d’un jeune artiste qui grandissait à Gaza.
Quelques-unes des œuvres exposées dans le cadre de l'exposition
"Gaze" de Hazem Harb, organisée par Munira Al-Sayegh
Le terme "gaze" a une signification très forte pour Hazem Harb ; l’origine étymologique de “gaze“ est “Gaza“ où ce tissus était fabriqué et où il a toujours été utilisé dans la médecine ancienne et moderne comme pansement.
Au cours de sa carrière, Hazem Harb a utilisé la gaze dans diverses œuvres, il dit l’avoir utilisée comme support pour des tableaux de sa jeunesse, elle figure dans "Burned Bodies", une installation vidéo créée pendant ses études à la Città dell'Altra Economia à Rome en 2008 et il présente dans l’exposition d’aujourd’hui plusieurs œuvres de l'année dernière créées en disposant de la gaze sur des fonds de carton.
La série "Gaze" de Hazem Harb exposée au Tabari Artspace à Dubaï
"La gaze est devenue un moyen de prendre en charge la peine", explique-t-il. "Aujourd'hui, c'est aussi un instrument de résistance face à la souffrance endurée par les Palestiniens.
Cette utilisation de la gaze par Hazem Harb dans son travail prend une signification encore plus prégnante dans le contexte de l’actuelle catastrophe en Palestine. L'exposition du Tabari Artspace met en lumière les multiples facettes de la symbolique du matériau dans ce contexte ainsi que la portée à la fois métaphorique et charnelle des dévastations passées et présentes.
La visite de l'exposition provoque une forte réaction physique et émotive. Les œuvres de Hazem Harb sont frappantes et demandent à être vues et comprises sur fond du déchaînement en cours. Elles servent non seulement à commémorer les souffrances, l'histoire et le patrimoine de la Palestine, mais aussi le parcours personnel de l'artiste natif de Gaza, en exil.
Deux des œuvres les plus puissantes sont des représentations de pastèques (fruit qui a longtemps été un symbole de la résistance palestinienne *) inspirées d'une fresque peinte en 1917 sur un bâtiment de Nazareth. Dans "1917 I", une tranche est placée sur la pastèque, le couteau utilisé pour la couper dépassant fièrement et bien en évidence - une autre marque de défi.
"1917 I" et "1917 II" de Hazem Harb
"1917 I" et "1917 II" ont été créées par Hazem Harb cette année, elles sont les œuvres les plus récentes de l'exposition.
"Elles symbolisent ma vie si je devais mourir maintenant", explique-t-il. "J'opterais pour ce symbole de résistance.
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Traduction : JCP
Note du traducteur :
* L'image de la tranche de pastèque, présentant les mêmes couleurs que le drapeau palestinien (peau verte à l’extérieur, couche blanche sous la peau, chair rouge, gaines noires), est devenu le nouvel étendard symbolique palestinien en référence à la période qui a suivi la guerre de 1967 quand Israël interdisait le drapeau palestinien et ses couleurs à Gaza et en Cisjordanie.
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