Décès de Mohammad Bakri, acteur, réalisateur palestinien
Par Sarah Khalil, The New Arab, 24 décembre 2025
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Photo : Mohammad Bakri lors de la projection du film « Zahara » au club Multaka à Be'er Sheva (2010), par Eman/Hebron. Domaine public, via Wikimedia Commons
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Le cinéaste palestinien et réalisateur de « Jenin, Jenin », Mohammad Bakri, décède après une vie consacrée à la lutte contre l'occupation israélienne.
Par Sarah Khalil, The New Arab, 24 décembre 2025
Artiste palestinien déterminé qui a fait du cinéma un moyen de résistance, Mohammed Bakri laisse derrière lui un héritage marqué par la révolte, la mémoire et le refus de se taire.
Mohammed Bakri, l'acteur palestinien, réalisateur et figure culturelle est décédé à l'âge de 72 ans, laissant derrière lui une œuvre qui a défié la politique d'effacement, contesté le pouvoir israélien et affirmé l'humanité palestinienne face à la répression systématique.
Mohammad Bakri est décédé le mercredi 24 décembre 2025 à l'hôpital Nahariya, dans le nord d'Israël, des suites d'une maladie cardiaque, a déclaré sa famille.
Sa mort signifie la perte de l'une des voix artistiques les plus intransigeantes de Palestine, qui considérait l'art comme une forme de survie et de résistance.
Né le 27 novembre 1953 dans le village de Bi'ina, en Galilée, Mohammad Bakri s'est imposé comme une figure emblématique du cinéma et du théâtre palestiniens, connu internationalement pour ses rôles représentatifs du vécu des palestiniens et pour ses films qui font ouvertement face à la violence israélienne.
Au cours d'une carrière qui s'étend sur cinq décennies, il a joué dans plus de 40 films et réalisé des documentaires parmi les plus importants politiquement de l'histoire palestinienne moderne.
Mohammad Bakri a étudié le théâtre et la littérature arabe à l'université de Tel Aviv dans les années 1970, avant de se produire sur de grandes scènes telles que le théâtre Habima, le théâtre Haifa et le théâtre Al-Kasaba à Ramallah.
Dans une interview accordée l'année dernière à l'édition arabe du New Arab, Mohammad Bakri déclarait : « En Palestine, nous volons la vie pour vivre et résister », rejetant l'idée que la créativité puisse être séparée de la lutte.
« Jenin, Jenin » et des décennies de persécution
Mohammad Bakri a été sans cesse pris pour cible par les autorités et les soldats israéliens pour son documentaire de 2002 « Jenin, Jenin », qui exposait les témoignages des habitants du camp de réfugiés de Jenin après une attaque militaire israélienne dévastatrice.
Le film, qui a remporté le prix du meilleur documentaire au Festival de cinéma de Carthage la même année, mettait à mal le discours officiel israélien et est devenu la cible de la censure, de poursuites judiciaires et d'intimidations.
Cinq soldats israéliens ont poursuivi Mohammad Bakri pour diffamation, et bien que les tribunaux aient initialement rejeté leurs plaintes, la pression juridique israélienne a persisté pendant des années.
En 2021, un tribunal israélien de Lod a purement et simplement interdit le film, ordonné la saisie de toutes les copies, supprimé les liens en ligne et condamné Mohammad Bakri à une amende de plusieurs centaines de milliers de shekels, criminalisant ainsi les témoignages palestiniens.
Pendant plus de deux décennies, Mohammad Bakri a été traîné devant les tribunaux israéliens, privé de financement, exclu des plateformes culturelles et traité comme une menace pour avoir refusé de se taire.
Il a répété à plusieurs reprises que le film ne prétendait pas établir la vérité juridique, mais préserver la mémoire palestinienne que les institutions israéliennes cherchent depuis longtemps à effacer.
Le fils de Mohammad Bakri, le célèbre acteur Saleh Bakri, a déclaré que la censure et la persécution dont son père avait été victime avaient finalement eu l'effet inverse, amplifiant la portée du film plutôt que de l‘étouffer.
« J’ai vécu la censure et la persécution de mon père comme un coup de pouce au film », a déclaré Saleh Bakri à The New Arab l'année dernière. « Le public était encore plus intéressé par le film. »
Une vie marquée par l'art, la famille et la résistance
Malgré des difficultés financières et une exclusion systématique, Mohammad Bakri a continué à travailler, finançant souvent ses films grâce à des prêts personnels contractés par sa femme, Leila. Ensemble, ils ont élevé six enfants, dont plusieurs ont suivi ses traces dans le métier d'acteur, notamment Saleh Bakri, Ziad Bakri et Adam Bakri.
Mohammad Bakri a également joué dans des films de renommée internationale, notamment « Beyond the Walls », « Haifa », « Private », « Wajib », « The Tyrant », « American Assassin », « All That's Left of You »...
Il a collaboré avec des réalisateurs de Palestine, d'Europe et d'Amérique du Nord, contribuant à placer le cinéma palestinien sur la scène internationale à une époque où sa visibilité était une forme de défi.
Il incarnait la conviction que les Palestiniens sont en droit de raconter leur propre vie, de pleurer publiquement, de documenter la violence et d'imaginer la liberté.
En tant que réalisateur, il a notamment signé « 1948 », « Jenin, Jenin », « Since You've Been Gone » et « Zahra ».
Mohammad Bakri a reçu de nombreux prix, dont le Prix national palestinien de reconnaissance en 2023, ainsi que des distinctions internationales majeures pour son travail d'acteur et de réalisateur de documentaires.
Il laisse derrière lui sa femme, ses enfants et des générations de Palestiniens qui se sont reconnus, avec leur dignité et leur insoumission, dans son œuvre.
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Traduction : JCP
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